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Charte imaginaire de la biorégion islamique




Cette charte se veut réflexive, elle vise l’émergence d’un nouvel imaginaire fondé sur ce qui à notre sens n’a jamais été évacué de la pensée islamique, à savoir la conscience de l’impasse du monde moderne que l’on nomme désormais, depuis que le constat de ses limites a été scientifiquement établit, l’anthropocène et qui se caractérise par l’exploitation suicidaire de l’Homme et de la planète par l’Homme lui-même s’imaginant faussement émancipé de l’Ordre Divin. Concrètement, nous vivons, comme le dit l’institut Momentum, une époque qui ressemble à la sortie de cette parenthèse. L’exubérance énergétique du 20ème siècle est terminée, toutes les fausses idéologies de la modernité n’ont pu voir le jour que par la force et la suggestion de masse, qui a résulté de l’accès à une énergie bon marché, abondante et concentré. La majeure partie du pétrole facile à extraire a été brûlée en 200 ans d’ère industrielle et nous ne pourrons pas échapper aux dérèglements du système terre par plus de technologie. C’est simple, comme dirait l’autre, la fête est finie.


D’un point de vue islamique la « décroissance » n’est pas une récession économique mais un renouvellement civilisationnel où la tension entre les dangers évidents qu’implique le mode de vie contemporain, consumériste et productiviste d'une part et les principes islamiques d'autre part, finirait par s'estomper par le surgissement de modes de vie équilibrés et résilients fondés sur des logiques d’harmonie universelle, une adéquation entre principes métaphysiques, vision cosmologique et vie locale. La décroissance qui s’invitera de gré ou de force, sera soit une excuse de plus pour asservir les plus faibles soit une occasion de réinsérer la société islamique dans l’histoire, et ce pour le bien de l’humanité dans son ensemble.

La décroissance c'est une occasion de faire cesser le règne de la quantité où absolument tout doit avoir valeur marchande, d'en finir avec le règne de la frustration et de l'insatisfaction permanente, au profit d'un monde où l'on se suffit de ce dont on dispose pour satisfaire nos besoins essentiels, cela n'exclut d'ailleurs pas une conquête limité et saine de richesses dans un but de redistribution au service de sa famille, de la communauté locale et de la civilisation humaine.


Mais ce qu'il faut comprendre avant tout c'est qu'il ne s'agira pas de réinventer nos modes de vie par quelques ingéniosités techniques ; pour faire face au monde qui vient il faudra cesser d'être "moderne" au sens où l'entendait René Guénon et cela exige en réalité une véritable transformation, il faut entreprendre une révolution anthropologique, il faut passer d'un état de conscience infrahumain à un niveau de réalité (spirituelle) augmentée. Nous pensons que les tentatives politico-romantiques du monde profane ne seront pas suffisantes voire potentiellement dangereuses, car l'aliénation idéologique est trop profonde, replonger dans les thèses épicuriennes ou revisiter le mythe rousseauiste du bon sauvage seront des impasses, implorer Gaia par l'amalgame de concepts hétéroclites, superficiels et réducteurs préparera l'avènement d'une parodie de renouveau. Le secret de la vie bonne ne réside pas dans un manuel de philosophie mais dans le tréfonds des cœurs et en une aspiration exigeante et amoureuse qui s'élève au-delà de ce monde, elle ne pourra se faire que par une voie balisée, sous la direction de bergers lumineux.


Comme nous le disions, cette charte, n’est qu’un préambule, elle s’inscrit dans l’hypothèse d’un effondrement de l’état de droit, elle ne vise qu’à susciter la réflexion, la sortie de l’immobilisme, et l’engagement devant les défis contemporains, chacun doit penser à développer ses compétences dans l’espoir d’être utile à sa communauté, tout en rappelant avec force que la base de tout bien est la purification intérieure et l’élévation spirituelle.


Une forme urgente de réorganisation sociale et de résilience communautaire pourrait s’avérer nécessaire ; dans tous les cas réfléchir aux principes qui nous animent ainsi qu’à leur application dans le contexte qui est le nôtre est un exercice utile et bénéfique, rappelons que l'émergence des turuq islamiques sous leur mode organisationnel extérieur se fit dans un contexte de grande déstabilisation des sociétés musulmanes et plus largement dans une période de bouleversements civilisationnels cruciaux.


Cette charte n’est qu’un exercice d’idées et ne vise aucune action politique… Elle peut s’inspirer de certains mouvements écologistes mais puise, ou veut puiser avant tout dans le patrimoine métaphysique, spirituel, philosophique et juridique de l’islam qui, contrairement aux mouvements utopistes actuels, possède en l’état toutes les ressources nécessaires pour répondre aux crises majeures qui s’annoncent.




La biorégion islamique vise à réorganiser un territoire à petite échelle selon des cohérences qui répondent avant tout aux principes métaphysiques de l’islam, du respect de ces principes découleront les cohérences politiques, sociales et écologiques ; sa gouvernance est rendu nécessaire par l’effondrement des institutions étatiques.

L’enjeu n’est ni l’accaparement du pouvoir, ni simplement la conservation des libertés individuelles mais la continuité de l’existence de l’humanité avec pour objectif le maintien du dépôt que Dieu a confié à l’Homme en tant que vicaire et gardien de la terre (Khalifa).

La pérennité de l’humanité ne peut se concevoir en dehors du lien d’amour entre Dieu et les Hommes, cet amour réciproque est le seul garant de l’amour des êtres humains entre eux ainsi que de l’harmonie cosmique dans son ensemble. La biorégion sera un territoire de guérison spirituelle, de soutien affectif et matériel, une terre d’hospitalité au temps de l’effondrement pour tout amis sincères et frères en humanité. Les frontières ne peuvent être purement administratives, elles sont déterminées par la nature et la façon dont elle se donne à l’Homme. La biorégion forme une seule communauté et les différentes confessions seront respectées, dans la mesure où elles ne mettent pas en péril la cohésion universelle instaurée par la loi islamique ; la paix et la sécurité sont des priorités ;  L’islam a indiqué clairement les voies à suivre pour maintenir les grands équilibres écologiques et éviter ainsi les catastrophes climatiques que l’humanité connaît actuellement, il permettra également de traverser cette grande épreuve et d’en sortir si Dieu le veut, victorieux.

Nous citoyens de la biorégion islamique, nous nous réunissons pour établir une communauté basée sur l’amour universel, lequel n’est réalisable que par la connaissance de Dieu, c’est pourquoi elle se place sous la direction des hommes réalisant le plus parfaitement les vertus mohammadiennes ; les héritiers du prophète sont connus par et pour leur lumière éclatante, l’établissement de leur autorité ne nécessite que le respect des règles de transmission traditionnelle et  aucune autre élection que celle qui provient du Tout Puissant.

Notre biorégion est autonome : en l’absence d’une autorité islamique qui serait d’une légitimité supérieure à l’autorité spirituelle de nos guides, comme l’imam Mahdi par exemple, notre communauté ne sera sujette à aucun arbitrage autre que ceux qu’elle décide d’elle-même.

L’amour universelle s’établit par la réalisation de la doctrine de l’Unité inscrite dans les livres révélées et en particulier dans le Saint Coran, elle est réalisée par les maitres de la voie, elle est énoncées dans les traités des maitres du Tassawuf et a été transmise de génération en génération et de cœur à cœur,  jusqu’à nos jours ; elle implique un amour et une miséricorde pour toute la création selon l’exemple de notre modèle excellent, l’élu de Dieu Sayyidna Mohammad qu’Allah réponde sur lui Sa grâce unitive et Sa paix. La Shari’a est la grande voie qui permet le maintient de la cohésion cosmique. Sa déclinaison juridique s’appliquera en s’adaptant au contexte, avec pondération, libéralité et sagesse.

La doctrine de l’Unité implique une fraternité spirituelle entre les hommes, les êtres vivants mais aussi avec la nature qui dispose également de la vie, dont nous avons le dépôt et à partir de laquelle Dieu a façonné nos corps. La solidarité spirituelle entre chaque élément de la création rompt de manière radicale avec l’individualisme prégnant des sociétés industrielles où la cupidité, et la démesure ont fini par causer l’effondrement de la civilisation humaine.

Rien n’appartient à l’Homme ; l’Homme lui-même ne s’appartient pas, tout ce qu’il possède est un prêt divin, partant, la responsabilité de chacun de nos actes est lourde et ces derniers ne valent que par les intentions qui les commande. La biorégion islamique vise la sagesse et l’excellence, non pas simplement par une éducation et une réforme morale mais par une purification des cœurs et la réalisation initiatique des plus belles vertus. La vocation islamique de la biorégion vise l’harmonie cosmique où tous les règnes sont interdépendants, témoins et serviteurs de l’Unique (Tawhid).

 

Orientations politiques

 

La biorégion islamique cherche à établir sur terre une nouvelle société organisée selon le principe de durabilité, intégrant l’impératif écologique mais aussi celui de justice sociale, de solidarité, de droit de propriété relative, de responsabilité à l’égard de tout ayant droit et de prospérité équilibrée.

Les orientations principales sont :

  1. -          La gouvernance : elle est assurée par l’autorité spirituelle du Sheikh et le pouvoir temporel de ceux qu’il aura désigné, les décisions sont prises soit par l’autorité en question, soit, à sa demande, par un conseil de sages qui à leur tour pourront consulter les assemblées populaires divisées en différents secteurs.

  2. -          Planification territoriale durable : Développer des plans d'aménagement du territoire qui favorisent la conservation des ressources naturelles, la protection des écosystèmes fragiles et la gestion durable des terres, de l'eau et de la biodiversité.

  3. -          Gestion des ressources naturelles : Mettre en place des mécanismes de gestion participative des ressources naturelles, notamment de l'eau, des forêts, des terres agricoles et des ressources énergétiques. Cela peut impliquer la mise en commun des connaissances traditionnelles et locales avec des approches scientifiques plus modernes.

  4. -          Le retour de l’artisanat traditionnel en commençant par l’urbanisme et l’architecture. Si les conditions le permettent, toute nouvelle construction devra répondre aux critères spécifiques de l’art islamique, alliance de la pratique artistique et de la quête spirituelle ; rôle fondamental de la langue arabe et de sa prédisposition à la calligraphie ; étude des formes et « alchimie de la lumière » ; génie de l’espace architectural etc., cela devant également répondre aux nécessités les plus fonctionnelles.

  5. -          Une nouvelle donne économique islamique basée sur la proximité des échanges de biens et de services, les énergies renouvelables et la gestion des communs par les personnes directement concernées ; les fléaux des sociétés capitalistes et productivistes tels que l’usure seront radicalement proscrits, l'économie sera réencastrée dans une vision du monde et ne sera plus l'Alpha et l'Omega des activités humaines.

  6. -          La mise en place d’une fiscalité intégrant le juste prix et réorientant les comportements et les investissements, en accord avec l’objectif islamique de la non-thésaurisation des richesses ;

  7. -          Éducation et sensibilisation : Mettre en place des programmes d'éducation concernant les connaissances religieuses, et le cheminement spirituel mais aussi des centres de sensibilisation qui promeuvent la durabilité environnementale, la conservation des ressources et la résilience communautaire. Cela peut inclure des initiatives de formation sur l'agriculture durable, la gestion des déchets, l'énergie renouvelable, etc. sans oublier toutes les formes d’artisanat traditionnel qu'il sera impératif de faire renaitre.

  8. -          Coopération intercommunautaire : La biorégion sera divisée en secteurs dirigés par un responsable nommé par les autorités, chaque secteur disposera d'une assemblée populaire qui aura un rôle consultatif, on favorisera la coopération et la solidarité entre les communautés de la biorégion pour faire face aux défis communs, partager les ressources et les connaissances, et renforcer la résilience collective.

  9. -          Forces de sécurité locales : Former et organiser des forces de sécurité locales pour maintenir la paix et protéger les habitants contre les menaces internes et externes. Ces forces pourraient être composées de membres de la communauté ayant une formation en application de la loi et en maintien de l'ordre.

  10. -          Rétablissement de la justice locale : Établir des mécanismes islamiques de justice locale pour résoudre les différends et punir les crimes. Cela pourrait inclure la mise en place de tribunaux locaux ou de conseils de médiation pour régler les conflits de manière équitable et efficace.

  11. -          Coopération avec les communautés voisines : Établir des relations de coopération avec les biorégions voisines pour renforcer la sécurité et la stabilité régionales. Cela pourrait inclure des accords de sécurité mutuelle et des mécanismes de résolution des conflits transfrontaliers.

  12. -          Protection des infrastructures critiques : Assurer la protection des infrastructures critiques telles que les installations de traitement de l'eau, les réseaux électriques et les centres de santé pour garantir le fonctionnement continu des services essentiels.

 

 

La propriété

La notion de propriété est très importante pour la gouvernance de notre biorégion, elle va définir le partage du territoire entre les citoyens mais également les relations entre les hommes et l’habitat naturel. La biorégion islamique ne reconnait la propriété absolue qu’à Dieu lui-même, celle-ci « est le lien qui confère au propriétaire le droit de faire ce qu'il veut de sa propriété sans aucune restriction ni aucune contrainte ». Aucun être humain ne possède ce droit d’exploitation absolue, au contraire la propriété de l’Homme n’est que relative, c'est-à-dire qu'elle fait partie de cette forme de la propriété qui donne au propriétaire le droit de disposer de sa propriété dans un cadre qui lui est fixé, et duquel il n'a pas le droit de s’affranchir.

 

Les terres possédées par l'état biorégional : elles sont pour toujours la propriété de le l'état et ne peuvent jamais devenir la propriété privée de personne. Donc, elles ne peuvent pas être vendues, acquises, ni hypothéquées.

Le Gouvernement étant le gardien des intérêts généraux de la communauté, il assume donc la responsabilité de s'assurer que ces terres, qui sont des biens publics, soient utilisées de la meilleure façon selon les circonstances qui prévalent selon le contexte, et que leurs revenues soient dépensés pour le bien-être de la communauté dans son ensemble.

 Toutes les terres en friche non exploitées, et tous les pâturages et forêts non cultivés sont la propriété du gouvernement. La gouvernance islamique doit assumer sa responsabilité les concernant sans perdre de vue les intérêts des générations présentes et futures. Chaque fois qu'il estime qu'il est de l'intérêt national que cette terre soit octroyée en concession à un individu, une société ou une association, il doit la donner en bail. Dans chaque cas, elle doit être exploitée de la meilleure façon.

 

 

Les terres possédées par des particuliers : Les autorités pourront distribuer des parcelles afin de planifier l’égalité agraire et la prospérité collective. Il sera interdit une fois un lopin de terre en possession de le négliger, de ne pas le cultiver ou de l’entretenir dans le seul but de le vendre pour générer des profits. Chaque revenu doit être le fruit d’un travail réellement utile.

 

A suivre…

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